Partager la publication "Quand Click&Boat interviewe Guirec Soudée : l’audacieux récit d’un amoureux de la liberté ! "
Un passionné de grand large pas comme les autres. Nous avons eu la chance d’échanger avec l’aventurier Guirec Soudée. Il prendra le départ de la Route du Rhum 2022 le 6 novembre prochain pour son premier grand rendez-vous dans la course au large, en préparation d’un défi encore plus XXL : le Vendée Globe 2024. Toujours en quête de nouveaux défis, le Breton est revenu sur son extraordinaire histoire (tour du monde à la voile, double transatlantique à la rame…) faite d’abnégation, de courage et d’esprit marin solidement chevillé au corps.
Guirec, votre vie entière est une aventure inspirante à plus d’un titre. Quel a été le premier moteur de ce formidable parcours ?
Ce qui m’a lancé, c’est l’endroit où j’ai vécu, dans la seule maison d’une île en Bretagne. Mon père me racontait des histoires sur l’océan, sur ses navigations avec Eugène Rigidel (skipper breton) et m’a donné envie de découvrir et de naviguer. Je me suis posé la question de quoi faire après le bac, et je me suis débrouillé pour faire ce qui me plaît. Ainsi, à 18 ans, je me suis retrouvé à dormir dans la rue en Australie, avec 200 € et zéro contact sur place. J’avais cette envie, cette confiance en moi qui a fait qu’au fond, je savais que j’allais y arriver.
À la base, je voulais faire le tour d’Australie à vélo, mais je n’avais pas trop calculé que cela faisait 14 fois la France (rires). J’ai dû revoir le plan à la baisse, j’ai ensuite bossé sur un bateau de pêche, c’était assez dur. Puis, j’ai eu les fonds pour acheter un voilier habitable. Le bateau était en acier, en très mauvais état. Il y avait 1 000 raisons pour décaler ce départ ou ne jamais partir.
Vous n’aviez donc jamais navigué en voilier habitable avant d’embarquer sur Yvinec (le nom donné par Guirec à son voilier en mémoire de son île natale). On imagine que les souvenirs de ces premières émotions vécues à bord sont impérissables…
Je suis parti de Bretagne, c’était ma première nuit en solitaire ! J’avais pourtant un pilote sous dimensionné, et je n’avais pas confiance en la coque. J’ai pété deux trois trucs dans le Golfe de Gascogne. Je me suis abrité à Concarneau. J’ai rencontré le bateau While Under The Pole, basé à Concarneau. En attendant la fenêtre météo, j’ai navigué un peu avec eux, il y avait notamment Roland Jourdain à bord. J’ai pu voir tellement de petites choses, observer, emmagasiner pendant quelques heures.
J’avais envie de poser plein de questions, je me suis dit : « non il va te prendre pour un rigolo » (rires). J’ai observé un max, aujourd’hui cela me fait marrer, je me dis : « c’est fou tout ce chemin parcouru » quand j’en reparle avec eux.
On entend parfois que les marins sont les derniers aventuriers des temps modernes. Vous êtes un exemple même de l’idée de repousser encore et encore ses limites, pensez-vous que cela soit exagéré, justifié ou plus complexe que cela ?
Derniers aventuriers, je ne sais pas. C’est vrai qu’on a une telle liberté sur un voilier, c’est quand même un truc de fou de se dire que tu peux partir de France, traverser un océan, arriver sur un nouveau continent, faire un tour du monde, revenir. La plus grosse liberté que l’on peut avoir c’est de faire ça. Il y a plein de sortes d’aventures : désert, montagne, pôles. Le meilleur moyen de voyager pour moi, cela se passe sur un bateau.
Quand on a accompli de tels exploits, arrive-t-on aussi à se décontracter au mouillage, et à laisser la barre ?
Je n’ai pas forcément besoin d’adrénaline. Je suis resté pas mal de temps dans les Caraïbes après mon périple parti de Bretagne. Après, au bout d’un moment, l’appel du grand large revient très vite. Cela c’est clair que je l’ai, c’est quelque chose de constant.
Je suis rentré en décembre 2018 de mon Tour du Monde avec Monique. J’ai écrit des bouquins, il y a eu un film. Au bout de quelques mois, j’avais ce besoin vital de repartir. Je suis parti traverser en largeur le Groenland, je devais traverser la Manche en paddle, mais cela n’a pas eu lieu à cause du Covid.
J’ai donc acheté un bateau à rames, mais je n’avais pas ma dose après la première traversée à la rame. Je me suis dit : « tu es en forme, on va faire le retour, faut le faire tout de suite, maintenant ». Je me suis dit : « peut-être que je vais être confiné ». C’était compliqué, mais j’ai bien fait. Aujourd’hui j’en ai un peu marre de ramer (rires) mais c’était une expérience de malade.
Une nouvelle aventure a démarré fin décembre 2021 : celle de la paternité. Comment concilie-t-on vie de famille et esprit grand large ?
180 jours en mer en 2021, cela occasionne forcément des moments compliqués pour moi et mes proches. Un projet comme le Vendée Globe est vachement encadré. Tu as plein de moyens de sécurité, tu es très connecté. Après on n’est jamais à l’abri. Cela va durer 90 jours, et c’est une fois tous les 4 ans. On a l’objectif de faire la Route du Rhum, qui va durer 2 semaines. Je crains même que cela soit trop court pour moi (rires). Mon épouse a grandi dans les Caraïbes, elle a habité dans un voilier, fait de la plongée du surf, du kite…. Nous partageons le rêve commun de partir en famille à bord d’un bateau d’expédition en aluminium, pour aller là où nous voulons aller, sans être stoppé, et ne rien pouvoir s’interdire.
Votre parcours inspire, du vieux loup de mer au jeune mousse et même ceux bien loin du monde nautique. La transmission des valeurs fortes de l’aventure est-elle importante pour vous ?
Cette transmission qui me tient à coeur se fait à travers les bouquins, les films, les conférences, avant-premières, les interventions dans les écoles. Je suis très heureux de ce que j’ai fait mais je n’ai rien fait de plus que quelqu’un d’autre. Je ne suis personne pour dire ce que les gens doivent faire. Après c’est génial d’inspirer. On a de la chance de recevoir des messages, des remerciements, des témoignages de personnes qui grâce à mon équipe et moi (surtout Monique – sa célébrissime poule – et moi) partent dans de nouvelles aventures. C’est hyper gratifiant et encourageant. Derrière, tu sens que tu as énormément de monde qui te soutient. Il y avait beaucoup de messages envoyés. C’est vraiment trop sympa de voir cette communauté bienveillante !
Depuis son canapé, on ne peut avoir qu’une vision bien tendre de la réalité de vivre une transatlantique à la rame ou un hivernage dans les glaces du Groenland pendant 130 jours, les deux en solitaire. Cette détermination, comment l’entretenez-vous pour réussir chaque aventure ?
C’est une chance de pouvoir déconnecter, de pouvoir prendre du recul sur sa vie. Dans la vie de tous les jours, tu es tellement sollicité que tu es toujours en train de courir. J’ai vécu ces moments-là à 200 %, malgré les moments compliqués.
J’ai fait 1 000 km quasiment en tournant en rond. Quand j’y repense, je suis passé par tellement de choses. Je suis trop content d’être là, je me suis dit : « j’ai tenu bon ». Je n’avais pas le choix, j’étais engagé. Evidemment, si on savait à l’avance, on pourrait être tenté de ne pas y aller. Mais il faut y croire, se battre, se dire que c’est éphémère, ce n’est pas tes 40 prochaines années qui vont rester comme ça. Tu n’as pas le choix, tu y vas, et tu vas t’en sortir.
La Bretagne vous accompagne, à en juger par la ferveur locale à terre quand vous êtes en mer et de retour sur vos terres . Emportez-vous des références à votre île à chaque expédition ?
Comme bon Breton, j’ai toujours un ou deux Gwanadu qui traînent quelque part. J’ai toujours une carte postale de chez moi aérienne. Au bout du chemin, je vais rentrer chez moi, c’est l’endroit où je me sens le mieux au monde. Ce qui me plaît c’est d’avoir de la bonne nourriture, un partenaire derrière c’est Gavottes, aussi la Paimpolaise. Cela rappelle les origines, et c’est cool !
Quel regard portez-vous sur la plaisance actuelle et la tendance très forte autour de sa démocratisation ?
La démocratisation de la plaisance , c’est vraiment top . La planète est constituée de 70-80 % d’eau. On fait bien de naviguer un petit peu. Le nombre de personnes qui ont des bateaux et qui sortent juste quelques jours, c’est un peu triste. Si j’ai envie de louer un bateau aux Caraïbes, c’est top !
Merci à Guirec Soudée pour son précieux temps ! Pour en découvrir plus sur lui, et ses prochaines aventures sur l’océan vous pouvez consulter son site Internet ou son Compte Instagram.